Alléluia, le soleil est revenu ! Je vais enfin pouvoir échanger mes vieilles chaussures détrempées contre des tongs hyper tendance... Finie la cagoule, place aux lunettes noires ! J'en profite aussitôt pour déambuler le long de la Croisette. Détails amusants : des bouteilles de Coca Cola designées par Jean-Paul Gaultier sont érigées tout au long du boulevard... Sa participation en tant que membre du jury n'est pas passée inaperçue auprès des publicitaires !
Je prend le temps de découvrir les différents lieux stratégiques du Festival : les palaces (Hôtel Martinez, Carlton, JW Marriott, Majestic Barrière) qui accueillent la crème des Médias et des professionnels du cinéma (notamment Canal Plus et son émission quotidienne "Le grand journal"). Les sociétés de production placardent sur les terrasses des immeubles d'imposantes affiches de leurs films à venir, pour la plupart des blockbusters (The dictator de Sacha Baron Cohen, Spiderman reboot, G.I. Joe 2, Madagascar 3, Django Unchained de Quentin Tarantino, Passion de Brian De Palma, Total Recall reboot).
Il suffit de traverser le trottoir, à une vingtaine de mètre, pour se rendre sur les plages privées qui sont réservées à toute cette "élite". C'est ici que se déroulent festivités nocturnes, promotions et autres négociations de contrats. Ceux qui ne possèdent pas la "carte" resteront dehors... Pour compenser cette frustration de ne pouvoir y participer, les cinéphiles poursuivent leur marathon cinématographique...
Je me rend donc devant l'entrée de la "Salle Debussy" (la compétition "Un certain regard" présidée par Tim Roth, en marge de la "Sélection Officielle"), les "autres marches du tapis rouge" (le trajet est plus court et sans photographes, ni cérémonial). J'aperçois Philippe Rouyer, l'entousiasmant critique à "Positif" et chroniqueur dans l'émission "Le cercle" !
Lui aussi vient assister à la projection de À perdre la raison du réalisateur belge Joachim Lafosse. Les stars, je les verrai à l'écran : Niels Arestrup, Tahar Rahim et Émilie Dequenne. Même si le sujet n'a rien de glamour : directement inspiré de l'affaire Geneviève Lhermitte qui a bouleversé la Belgique en 2007 (le drame d'une mère, plongée dans un climat familial insupportable qui l'amènera à tuer ses cinq enfants avant de tenter de mettre fin à ses jours).
Un film anxiogène, sobre, bien écrit, même si la montée en puissance dramatique m'a semblé insuffisante... Et le discours du réalisateur reste ambigu (il est question de "mariage blanc", de couples qui vivent sans amour ; le sentiment d'oppression de la mère est en partie dû à son mari d'origine étrangère. Celle-ci bascule dans la folie et commet son crime alors qu'elle porte un vêtement traditionnel marocain). S'agit-il de parler d'un pays occidental contemporain, bloqué entre le poids de son passé (nation fondée sur un seule identité) et son incapacité à gérer son avenir (nation fondée sur plusieurs identités, qui ne se comprennent pas) ?
Enfin, je retourne à la "Salle Bunuel" pour visionner le documentaire Trashed de Candida Brady. L'équipe technique est présente, ainsi que Jérémy Irons, qui en est le narrateur. Même si l'on peut saluer l'initiative écologique de ce film, sa volonté de prise de conscience, je reste perplexe sur sa sélection, car trop didactique pour figurer dans une programmation "artistique". Mais comme le dit Thierry Frémaux, "le Festival de Cannes est aussi politique, car les films le sont". J'approuve son discours mais je ne placerai pas Trashed dans la même liste que Fahrenheit 9/11 de Michael Moore et les documentaires consacrés aux artistes de cinéma... Je n'ai hélas pas eu la possibilité aujourd'hui d'aller voir Journal de France de Raymond Depardon, mais nul doute que son réalisateur a eu une démarche plus "cinématographique" que Brady, tout en traitant d'un sujet social...
Pour fêter le retour du printemps, la ville de Cannes a organisé un feu d'artifices. Baisser de rideau, les yeux plein d'étoiles, à nouveau !
À suivre...
Maxime Lesage