Métropole lisse


Nombreux furent ceux qui bavaient devant la réplique du robot  Maria au musée de la Cinémathèque. La rétrospective à la Cinémathèque française de l’œuvre de Fritz Lang offrait un prétexte idéal pour exposer son œuvre la plus célèbre : Métropolis. Premier film protégé par l’Unesco, il a toujours baigné dans une aura mythique et mystique et nombreux sont les cinéastes qui en subirent les influences.  Jusqu’à encore très longtemps, l’espoir de se rapprocher de la version imaginée par Lang était très mince. Or la découverte de quelques minutes supplémentaires en 2008 au Museo del Cino de Bueno Aires a ainsi relancé l’intérêt pour le film. Que de belles promesses pour faire une belle exposition. D’autant plus que la Cinémathèque, grâce à sa première conservatrice Lotte Henriette Eisner, a conservé une collection de près de 800 photographies de tournage originales. Elle a également demandé à Walter Schulze-Mittendorff, le créateur original du robot, d’en faire une reproduction dans les années 1970.  Tous les ingrédients étaient donc réunis pour faire un chef d’œuvre : une nouvelle version du film, des archives, une promo dantesque… Mais pourtant Métropolis L’exposition ne tient pas la route. Ce « L’ » n’est pas à la hauteur de ses promesses : « L’exposition » n’est en fait qu’UNE exposition et de loin aboutie.


D’abord parce que cette exposition date de 2009. Elle est le fruit de la Deutsche Kinemathek de Berlin dont Kristina Jaspers et Peter Mänz en sont les commissaires. Et malgré l’enrichissement de quelques pièces par la Cinémathèque Française, quel ennui ! Elle copie la trame scénaristique du film et nous fait redécouvrir successivement la Cité des Fils, la ville ouvrière, la ville haute,  le laboratoire de Rotwang, les catacombes et la cathédrale. Ces salles sont petites, sobres et dans toutes sont projetées les séquences les plus marquantes dans ces parties de la ville. La rencontre avec Maria dans la Cité des Fils, la relève des ouvriers dans la ville ouvrière, etc… Bien pour ceux qui n’ont pas vu le film. La scénographie est banale, le film méritait bien plus d’audace. Au fur et à mesure, on en vient même à regretter la projection au sol de la ville haute dans la collection permanente de la Cinémathèque.


L’exposition n’est constituée au trois quart que de dessins et de photographies. Les autres pièces se comptent sur les doigts de la main : deux reproductions de costumes : Freder ouvrier/ Freder ville haute, trois caméras, un autre exemplaire du robot, les masques des péchés capitaux ! On parcourt donc l’exposition avec ennui à la recherche de rareté qu’on ne pourrait trouver dans des ouvrages spécifiques. Heureusement que le tirage en surimpression par Fritz Lang de New-York et les masques viennent rattraper l’ensemble trop fade. Un aspect, pourtant le plus important sans doute, est complètement négligé par l’exposition : la technique. Certes, elle est évoquée ici ou là, à l’entrée d’une salle ou devant la caméra reconstituée façon Stachow. Mais les conservateurs sont passés totalement à côté de la question : comment montrer l’aspect novateur du film ? On ne parle que très peu de l’effet Schüfftan, du stop motion, des maquettes et de la façon atypique dont elles ont été peintes, etc…


Alors on pense que l’accent sera mis sur la restauration du film… Autre déception, puisqu’on nous enferme à mi parcours dans une salle pour voir un documentaire vieux d’un an et qu’en guise de complément on trouve quelques panneaux lumineux avec un texte expliquant le procédé. Finalement, le plus apprécié reste les anecdotes. Quelle ironie de savoir que l’équipe du film avait pensé à tout retranscrire au futur, sauf les moyens de locomotion ! Ou encore qu’il a fallu près d’une semaine pour animer quelques minutes de film. Il y a tout de même une bonne surprise : une micro partie sur la réception en France du film… preuve encore que Métropolis a déchainé les passions à sa sortie, chose que l’exposition est très loin de susciter…

Jean-Sébastien Fernandez