Crazy, Stupid, Film ?

     Les récentes « comédies romantiques » américaines ont souvent été critiquées pour leur façon trop puritaine et mièvre de traiter du couple et de l’amour (Valentine’s day, No string attached). Qu’en est-il de Crazy Stupid Love ? Le film est-il vraiment « la comédie romantique de la rentrée », drôle et impertinente, qui réinvente les codes du genre ?


Pas exactement. Crazy Stupid Love souffre de son propos, qui se révèle en totale contradiction avec son élégance formelle et son storytelling. On pourrait le résumer à ce décor de minigolf, dont la symbolique sexuelle paraît évidente !


Les réalisateurs de Crazy Stupid Love nous vendent un film « moderne » sur l’amour (c’est-à-dire cool et déjanté à l’image de Jacob le playboy et Kate la professeur, des personnages libérées sexuellement).


Mais le film s’achève par un épilogue bien propret et moralisateur…
Il suffit de constater l’évolution des personnages : l’amour unique et éternel des parents Cal et Emily ; la virginité préservée de Jessica la baby-sitter adolescente ; l’assagissement de Jacob qui choisit Hannah la jeune femme pour qui le mariage est le but ultime et une véritable preuve d‘amour (à noter que pour ces deux derniers personnages, l‘acte sexuel n‘aboutit pas dans le film, il est remplacé par le « grand amour » verbal).


Revenons au décor de minigolf dans le jardin familial. Cet élément, aperçu lors du climax du film, n’est pas anodin. À cet instant, tous les personnages s’y retrouvent autour pour s’affronter.


Cette scène, traitée sur un mode humoristique, doit résoudre leurs problèmes de couples. La question de la virginité est abordée de manière centrale puisqu‘il y est question d’une supposée liaison amoureuse (née d‘un quiproquo) entre Cal et Jessica la baby-sitter. Le père de celle-ci intervient, furieux, et décroche les pales du moulin pour punir le pervers. Un comportement logique.


Mais la symbolique de ce geste est forte si l‘on suppose que ces pales représentent une croix et donc par extension le symbole de la religion catholique. Un châtiment moral ET divin. On constate alors à quelle point la religion est prééminente et ancrée dans la conception de l‘amour qu‘ont les Américains. Pour TOUS les personnages, le salut ne viendra que par la concrétisation d‘un « amour unique », avec une « âme-sœur »...


Crazy Stupid Love semble donc souffrir de schizophrénie. La première partie était pourtant jubilatoire en assumant une sexualité débridée, ce qui constituait les meilleurs gags. La pirouette de la seconde partie dessert le film par son discours désuet pour notre époque surtout si on le compare avec d‘autres films contemporains qui traitent du même sujet. Par exemple, 500 jours ensemble se veut plus réaliste et lucide dans sa conception de l’amour sans pour autant tombe dans le cynisme et le désenchantement.


Maxime Lesage