Dark Shadows, ou comment Tim Burton retrouve sa lumière



Le film s'ouvre sur une séquence comme seul Tim Burton sait les faire. Toute la force du film est ici (et dans la séquence de fin) : un bateau en pleine brume. Image littéralement reproduite de Sweeney Todd. Dès lors, impossible d’arrêter les comparaisons avec ses précédentes œuvres. Burton livre ici une synthèse brillante de son univers. Il conjugue à cela, des images vertigineuses et empruntes de romantisme. On reconnait sans mal certains tableaux de Friedrich. D'autres références, comme celles de Tamara de Lempicka, sont sublimes.

Burton transmet dans Dark Shadows son amour pour l'art (voir la tirade de Barnabas sur la décoration de sa maison) et particulièrement sa nostalgie des années 1970.


Alice Cooper le prouve à merveille à la fin du film, malgré ses 64 ans, il livre un mini concert grandiloquent. Il y a 30 ans, Cooper enregistrait Welcome to My Nightmare, et Vincent Price participait à sa tournée. Évidemment, Burton a reprit le thème de l'album, la folie de l'enfermement et du comédien dans son court métrage Vincent. En quelque sorte donc, le réalisateur renoue, dans Dark Shadows, avec sa première ère. D'ailleurs, ici ou là, ses oeuvres passées ressurgissent : 

- Big Fish, lorsqu'Angelique et Barnabas parlent, celle-ci lui dit qu'ils sont deux gros poissons dans une mare trop petite. 
- Mars Attaks, lorsqu'Angelique arrive pour le dernier assaut, un plan fait directement penser à Lisa Marie marchant vers la Maison Blanche.
- Beetlejuice, lorsque les meubles et décorations de la maison deviennent vivants.
- Charlie et la Chocolaterie, dans la relation entre Barnabas et David, et le rapport au père. 
- Corpse Bride, dans les multiples apparitions du fantôme. 
- Sweeney Todd, pour le début et la fin. 
- Ed Wood, dont la technique d'hypnose reprend celle de Béla Lugosi (que Johnny Depp essayait de reproduire près de Martin Landau). 
- Nightmare before Christmas, avec le décalage entre les deux mondes.

Et tellement d'autres encore... Burton a vraiment synthétisé.

Peut-être peut-on voir alors à travers Barnabas, le réalisateur lui-même, qui se bat pour garder son statut après plusieurs déceptions ? Dark Shadows est loin de Alice au pays des merveilles. Ce nouveau film est mature, teinté de violence et de sexe, inhabituellement aussi explicites. Il est faussement et véritablement drôle sur un fond politique où la Femme commence à s'émanciper. Une autre question hante le film : comment vivre dans une Amérique qui a littéralement oublié son passé ?


Le casting aussi, est incroyablement bon, même si Michelle Pfeiffer, l'ancienne Catwoman, n'a pas gardé sa poigne. L'histoire aurait pourtant gagné à être resserré car elle s'éparpille et n'explore pas entièrement les sentiments du duel Barnabas/Angelique. Mais Burton semble vouloir tourner une page. Dans Darks Shadows il garde du côté enfantin l'idée que la mort est loin et que tout peut être réparé. Il prépare donc le terrain pour Frankenweenie (fin 2012), l'histoire d'un petit garçon qui ressuscite son chien...


La figure du vampire trouve donc toute sa place dans l'étrangeté burtonienne. Et la photo de famille ne saurait être complète sans Barnabas, qui mérite autant d'amour que Jack, Victor, le Joker, les martiens, Beetlejuice, Willy Wonka ou Ed Wood. Vive Dark Shadows !

Jean-Sébastien Fernandez